dimanche 15 décembre 2013

Babik Reinhardt ¤ Sinti Houn Brazil


Amateurs de deep soyez extrêmement attentifs, car voilà un disque rare et oublié mais néanmoins doté d'un pedigree des plus significatifs : autant de critères propres à susciter l'intérêt de tout digger respectable... donc exclusif. Mince, de qui est-ce qu'on parle là ?!?
Bref. Ce nouveau post est donc consacré au premier album solo de Babik Reinhardt, et même si la discographie du "fils de" tient sur les doigts d'une main (pas celle de son père, hein...), il constitue très certainement une totale découverte pour vous.
A vrai dire, la distribution extrêmement confidentielle de cet opus est une excuse parfaitement valable. Le label CBS, subdivision européenne de la major d'alors Columbia, est en effet un riche pourvoyeur de raretés (comprenez : disques novateurs difficiles à promouvoir) comme Placebo, Bernard Estardy, Les Masques, le sous-label AKT déjà présenté dans ce post,... la liste est longue.
A l'examen de la pochette, on pressent l'inhabituel, et a fortiori le deep : au recto une image des musiciens se réchauffant autour d'un feu de palettes dans une cour de ferme, au verso un poème abscons** en hommage au leader... et un line-up qui interpelle, la faute à deux noms ronflants car hautement révérés par les amateurs de rare groove de France : Fernando Martins (piano, Trio Camara) et Alex Bonavita (guitare, Structure, compilation Jazz à Marseille). Voilà donc pour ledit pedigree, alléchant avouons-le, de ce quintet complété par Marcel Sabiani à la batterie et Robert Cradel à la basse (et non Jannick Top comme le mentionne le website de Sabiani). Ceci posé, on hésite entre le sentiment appréciable de pouvoir encore, de nos jours, découvrir des disques au potentiel excitant, et celui (moins confortable) d'avoir raté quelque chose depuis tout ce temps. Pas sûr que vous trancherez entre ces avis une fois que vous aurez digéré cette chronique...
Bref derechef. Maintenant que les présentations sont faites, concentrons-nous sur la musique s'il vous plaît. L'entrée en matière est relativement abrupte, impression retrouvée tout au long de l'écoute : les tempos sont enlevés, la batterie (très sèche) ou les riffs nerveux de la guitare rythmique sont présents dès l'introduction des morceaux. Bien qu'indéniablement seventies, le son surprend quelque peu et semble même un peu froid... Les timbres des instruments ne sont pas aussi séduisants qu'on aurait pu l'espérer, de la guitare du leader au son somme toute convenu à la batterie plate et sans ressort (mais avec un peu trop de cymbales...) en passant par le piano Rhodes à la sonorité moins chaleureuse qu'à l'accoutumée. Tout cela souffre de la comparaison avec les références du genre, la faute à une production visiblement limitée, mais néanmoins garante de deep, again. Dans l'ensemble, l'ambiance se montre méditative et mélancolique, sans autre relief que les variations d'intensité des longues plages d'improvisation dans lesquelles il est bien difficile de déceler un lien avec le Brésil, à moins que le titre de l'album ne soit simplement trompeur. Mais alors, où donc réside l'intérêt de ce disque ? Certainement dans son caractère unique, ce qui de facto le rend difficile à classer. Lorgnant vers le jazz-rock alors en plein boom en Europe, mais dans une version artisanale bien atypique, les musiciens y expriment leur vécu à nul autre pareil, sans chercher à copier les productions américaines par des gimmicks éculés ou des arrangements grandiloquents.
Il faut rappeler qu'à l'époque (1972) les moyens tant matériels que financiers requis par les instruments électrifiés limitent grandement leur accessibilité et donc leur maîtrise. En particulier, les synthétiseurs n'ont pas encore déferlé sur le Vieux Continent. En France ils restent confinés à des studios montés de toutes pièces par des musiciens-chercheurs à la richesse substantielle : Ganaro pour Eddie Warner, CBE pour Bernard Estardy, etc. Les contraintes associées à l'utilisation de ces machines (encombrement, connaissances technologiques requises, coût d'importation) ont retardé leur apparition dans la musique européenne, entretenant le décalage avec les classiques alors enregistrés aux Etats-Unis, renforçant du même coup la singularité des albums de cette courte mais faste période.
"Sinti Houn Brazil" navigue donc dans la vaste catégorie du jazz plus ou moins "fusionné", adulé déraisonnablement par une poignée d'aficionados, délaissé voire moqué par le plus grand nombre. Il reste à faire fi de la temporalité de l'œuvre, pour l'apprécier en simples esthètes.

Après vous : huup://ezfile.ch/x6q28o1r

** ledit poème est signé Sandra Jayat dont il est question ici et .

mardi 1 octobre 2013

Some guys ask for podcasts

C'est bien gentil d'écrire à peine deux-trois chroniques deep chaque année, mais ce n'est guère suffisant pour combler votre soif de culture (musicale), deep elle aussi. Eh bien réjouissez-vous : je sors parfois la gross install pour me faire plaisir dans le salon, et j'en profite même pour enregistrer ce que ça donne... C'est fou, non ? En effet. Voici donc quelques sélections sympathiques (brasil, library...) à déguster ET à partager en consultant ce mixcloud.


Et bien sûr... more to come !

lundi 15 juillet 2013

Celebrating 10,000 views


Vous n'avez peut-être rien vu (surtout que slate n'en a pas parlé), mais notre compteur de visites a franchi un cap remarquable à la mi-juin. Oui, notre blog hanimex3000, qui est aussi votre blog, a en effet dépassé les dix mille affichages, incroyable nespa. C'était donc une excellente occasion pour nous de rationaliser quelque peu l'agencement de l'ensemble, en témoigne cette nouvelle et magnifique bannière signée Margaux. Cette modernisation graphique bienvenue soulève de nombreuses questions bien compréhensibles comme "une telle modification esthétique en appelle-t-elle d'autres plus radicales ?", "ce merveilleux blog artisanal va-t-il engager une restructuration profonde à l'instar de myspace, risquant de perdre son apparence pimpante si aguichante et ainsi son attrait ?", "le deep sera-t-il toujours préservé chez hanimex en dépit de la mondialisation rampante ?" ou encore "les bloggeurs EyeBender et NewBell ne risquent-ils pas d'attraper la grosse tête ?", entre autres interrogations qui ne nous ont pas encore été signifiées par mail, c'est pourquoi nous prenons les devants.
Nous tenons donc à rassurer nos sympathiques supporters : rien de tout cela ne devrait se produire, en tout cas tant que nous resterons actionnaires maj... pardon acteurs de notre blog. A l'avenir, nous poursuivrons l'exhumation du deep sans pour autant varier la cadence qui demeurera celle d'une officine modeste mais consciencieuse et donc digne d'intérêt : parions sur deux ou trois nouveaux posts cette année, pas plus. Soyez certains que nous continuerons à défendre nos valeurs et notre légitimité car c'est pour nous un véritable sacerdoce.

The deep will last, ever!

mercredi 15 mai 2013

Focus on the Plexus Records tapes


Flash-back. En 1963, la société Philips dépose le brevet de la musicassette, avec en filigrane l'ambition de permettre au grand public de domestiquer la bande magnétique. Faisant irruption sur le marché du support musical à la fin des années 60, la cassette n'aura pour elle, passé l'effet de nouveauté puis de mode, que son accessibilité financière (en accord cependant avec la qualité perçue), sa compacité et par là même son côté pratique indéniable (merci les autoradios, les baladeurs et les boomers !). Décriée dès la décennie 70 avec l'amorce d'une baisse des ventes de disques au prétexte qu'elle offre un moyen bon marché de les dupliquer, et après un pic de popularité dans les années 80 grâce à la portabilité du walkman et au déclin du vinyl, la cassette s'éteint peu à peu avec le renouvellement des supports, CD en tête, ne résistant que dans les marchés retardataires et chez les irréductibles pointilleux, en particulier les producteurs de musique expérimentale.
Mais voyez comme la vie réserve de belles surprises : en 2013, tout juste cinquante ans après la naissance de la K7, le jeune Guillaume Saintillan se lance dans la production musicale physique avec la ferme intention d'être plus deep que la moyenne. Plutôt discret, le garçon a quand même pignon sur rue avec sa boutique spécialisée dans les disques vinyl en plein centre ville de Poitiers : Plexus Records. Un nom, un blog, une référence immédiate. Immédiate et objectivement évidente au vu de la conjoncture...
En remarquant que cassette + production indépendante + 2013 = deep, notre homme tente un pari particulièrement culotté : dérouler le tapis rouge à de jeunes talents en devenir, en investissant pour ce faire un espace déjà bien encombré tout en revendiquant une place à part ET enviable. Equation sans solution ? Nenni. Nous vivons une période troublée et troublante mais il y a encore de belles choses à inventer, surtout musicalement. Dont acte...
Cette expérience accouche finalement de quatre beat tapes au sens strict du terme fabriquées chacune en cinquante exemplaires : quatre fois une heure d'instrus soignées et prêtes à l'emploi, à l'originalité et l'identité affirmées. Produites sur ordinateur et ensuite enregistrées sur bande (!!), voilà un contre-pied-de-nez risqué et presque snob fait aux pratiques courantes, mais parfaitement assumé en pleine ère numérique... Audacieux. Les quatre fantastiques ont pour nom Mr Hone, Maodea, Meyso et Oteest : la crème des beatmakers de l'ouest, de France, du monde. Ces trublions supportent aisément la comparaison avec les pointures du genre, même californiennes. Résolument hip hop, leurs productions se distinguent néanmoins par un territoire propre à chacun : les découpes chirurgicales de voix soulful chez Mr Hone, un feeling extrême-oriental déroutant chez Maodea, des références-révérences au Brésil et au jazz-fusion chez Meyso (avec toujours cette snare qui perfore les tympans sans crier gare), et de l'electro instable chez Oteest. Qualité totale, hands down. Lourdeur des samples et feeling onirique des morceaux, puissance des sons malgré la qualité k7 : ça fait mal comme un coffret de chez Numero Group ! Impensable mais vrai.
Exclusivité oblige, au bout d'une semaine il n'y en avait déjà plus à vendre... et nul doute qu'aucun heureux acquéreur ne se séparera de ces petits fétiches avant longtemps. Il semble toutefois rester un micro-stock chez http://vinyl-digital.com, alors magnez-vous car cela ne durera pas éternellement... Et pour savoir ce que vous ratez, et accessoirement en prendre plein les oreilles, le sampler des K7 est toujours accessible sur http://plexusrecordstapes.bandcamp.com.
Reste donc à suivre d'ultra-près l'actualité de cette bande d'esprits foisonnants, et attendre les prochaines parutions estampillées Plexus Records : le glorieux format vinyl devrait être à l'honneur d'ici peu.
Et n'oublions pas de saluer l'excellent artwork signé Noky de l'Agence Capsule, ainsi que la dernière deepitude en date chez Plexus Records, parue à l'occasion du Record Day : le lost first album de Mr Hone, disponible au format CD en quantité tout aussi limitée... Don't sleep!

mercredi 1 mai 2013

Atmosphere ¤ Jazz-Rock


Reprenons le chemin du Luxembourg pour ce nouveau post qui nous fait découvrir quelques-uns des meilleurs musiciens du Grand-Duché. Réunis dans le groupe Atmosphere, Gast Waltzing (trompettiste), René Nuss (pianiste), Guy Schadeck (saxophoniste), Heng Kleren (bassiste) et Al Lenners (batteur) ont de très sérieux arguments à faire valoir. Toujours en activité de nos jours, ces messieurs ont débuté leur carrière discographique par ce présent album enregistré à la fin de l'année 1980 et à la dénomination explicite, à défaut d'être subtile : "Jazz-Rock". Au moins devine-t-on de quoi il sera question... Permettez-nous de vendre la mèche : il y aura plus de jazz que de rock. Et c'est très bien comme ça.
De par sa conception rigoureuse et sa qualité d'enregistrement de haute volée, ce disque attire d'emblée l'attention. Le titre inaugural "Ultima" fait d'ailleurs forte impression, avec son intro discoïsante (qu'on retrouve en outro) débouchant sur un excellent passage swing, et ses synthétiseurs aux timbres judicieusement choisis : le Moog est en bonne place, comme chez le Return to Forever mid-70s. Les mélodistes s'en donnent à coeur joie : sax, trompette et piano pseudo-Rhodes dans cet ordre. Le morceau suivant "Little Elephant" n'est pas une ballade mièvre comme on en rencontre sur certains albums du genre, mais plutôt un groove downtempo des plus appréciables. La qualité d'écriture y est pour quelque chose... C'est l'un des quatre morceaux composés par Gast Waltzing, lequel poursuivra une carrière très honorable dans l'enseignement et la création de musiques de films. La face A se termine sur un long morceau progressif intitulé "De Nice" qui monte tranquillement en température et offre un court mais roboratif tempo de samba avant de conclure en douceur.
Le groove downtempo (j'aime cette expression) est de retour sur la face B pour la première partie du morceau "Valcam", alternant avec quelques escapades en tempo dédoublé. On suit le mouvement, en planant... puis débarque une trompette wah-wah et ça repart en double-double. Pas de doute, les gars ont digéré les albums phares du jazz 70s US, notamment ceux des Brecker Brothers. Petit indice pour les producteurs : c'est dans ce track que vous trouverez les meilleurs samples. On clôt les débats avec "Images" et son ostinato de basse tournant sur 8 temps. A mi-chemin le tempo redevient strictement binaire en alternance avec du swing (again). Waaah. Dans le jargon on dirait que "ça claque bon dieu". On enchaîne avec une petite séance de 4/4 incluant le baryton et le piano. Hein quoi ? C'est déjà fini ?? Mince alors, on n'a pas eu le temps de s'ennuyer...
Soyons clairs : cet album est une vraie réussite. Sonorités, ambiances et mélodies sont suffisamment travaillées pour propulser cet album méconnu au panthéon de l'euro groove, et pas seulement 80s. De plus, il n'apparaît même pas daté du haut de ses + de trente ans. Chapeau bas.

Jump on it : atmp://www87.zippyshare.com/v/4cN9mfBU/file.html

vendredi 15 mars 2013

Valéry ¤ A ta Santé à tes Amours / Daffodyl


Cette semaine on vous propose un 45 tours français à l'apparence tout à fait insignifiante (pour changer). Cependant il est tout de même un peu deep, sinon on ne s'essaierait pas à écrire un post dessus vous vous en doutez.
Vu sa rareté, il n'est pas sûr que ce disque ait franchi le cap de la promotion. Fact. Il est vrai que ça démarre assez mal à l'examen de la pochette : déjà avec cette trichromie cocardière qui, si elle pourrait faire penser au Pop Instrumental de France sorti à la même époque, ne présume de rien qualitativement ; ensuite par ce cliché de l'artiste façon gendre idéal grimé en chanteur à moustache (même remarque), autres temps autres mœurs...
Et c'est bien là que réside le problème : ça chante, et à haut volume en plus. Passons et passez rapidement sur le premier morceau "A ta santé à tes Amours", le titre parle pour lui-même. On peut vous dire qu'il conjugue vocalises entêtantes et violons dégoulinants, car c'était la mode à l'époque, même si ce magma dissimule un peu de guitare fuzz (chorus honnête vers 2'30"), ça aussi c'était la mode d'ailleurs. En fait le deep se cache sur la face B, dès l'intro du morceau "Daffodyl" : guitare+percussions+batterie+basse = GROS break, vous êtes prévenus. Et en plus c'est bien découpé. Malheureusement le chant et les violons rappliquent rapidement, ainsi que des chœurs féminins qui surprennent ("Soleil chaud...") avant d'être un peu voire franchement casse-couilles. Tout ça se termine dans une joyeuse cacophonie qui nous rappelle jusqu'à quel point la musique de variété peut être insupportable. Malgré cette impression d'avoir entendu du sous-Herbert Léonard (bonne période), il faut reconnaître que les arrangements sont assez soignés ; cependant la voix sur-mixée est tellement fatigante qu'on ne vous recommandera pas la traque de cet énième avatar de chanson française éreintante, vous êtes prévenus derechef.

C'est vous qui voyez : zoop://www96.zippyshare.com/v/1A9VO0vm/file.html

PS : pardon si ça gratte, c'est du pressage artisanal deep.